Le 15 juin 1994, Ixelles connait un traumatisme économique. L’entreprise de cigarettes Philipp Morris ferme son usine de la rue Gray (perte de 273 emplois). Ce drame social marquera la fin définitive d’une longue histoire industrielle liée au tabac, débutée près de 90 ans plus tôt avec le « Tabac de la Semois ». Le site de 4.000 m² implanté en coeur d’îlot est aujourd’hui occupé par le supermarché Lidl (partie rue Gray) et par le CIRE (partie rue du Vivier).
« Le véritable tabac de la Semois »
En 1908, le planteur de tabac Achille Welle décide de quitter sa Semois natale. Son idée : monter à Bruxelles pour y développer une fabrique de tabac à rouler. Le tabac de la vallée de la Semois est renommé depuis longtemps pour sa qualité et ses aromes mais il est encore produit de manière très artisanale, essentiellement pour la pipe. Achille Welle juge intéressant de se rapprocher du marché des consommateurs et de développer un véritable processus industriel de transformation, de conditionnement et de commercialisation. Il commence son activité, la WELTAB sprl, dans un immeuble au 162 de la rue Gray.
source : archives communales d’Ixelles, via l’Inventaire du Patrimoine
En 1923, en plein essor (et manque d’espace), il va s’étendre dans l’ilôt, du côté du numéro 82 de la rue du Vivier. A partir de ce moment, l’usine va saisir toutes les opportunités immobilières pour s’accroitre. En 1959, Weltab achète les 140, 142 et 144 de la rue Gray.
pub de 1925 dans Le Soir (source KBR)
plaque émaillée, 1936
La production va se diversifier et différentes marques de cigarettes vont apparaitre. Les plus fameuses sont Visa, Darcy et Armada.
Le début de la mondialisation
En 1967, la Ltd Carreras (qui produit la célèbre cigarette Craven A) de Grande-Bretagne prend une importante part minoritaire dans le capital de WELTAB. Echanges de bonnes pratiques et, surtout, expansion des marchés respectifs sont au programme. Mais la valse des fusions-acquisitions ne va pas s’arrêter là. En 1971, WELTAB devient une filiale belge de Philipp Morris International. Là même année, la Marlboro Red est lancée sur le marché belge. Philipp Morris, c’est du tabac blond de Virginie, moins cher à la production, moins prononcé de goût et qui correspond davantage à la mode. La rue Gray produira, outre les Marlboro, la North Pole, une cigarette mentolée. En 1981, afin de renforcer sa renommée et sa présence en Belgique, la société mère choisit de remplacer le nom de Weltab par Philip Morris Belgium SA.
L’usine n’était pas polluante et employait beaucoup d’habitants du quartier mais induisait un charroi de camions très pénible pour les riverains.
1994 : la fermeture
En 1993, la direction américaine du groupe Philipp Morris décide de licencier 14.000 personnes et de fermer 40 usines dans le monde. Ixelles fera partie de celles-ci. Diminution de la consommation de tabac, coût des taxes, agencement compliqué de l’usine sur plusieurs étages, plusieures raisons sont invoquées pour expliquer ce choix.
273 emplois, occupés en grande partie des Ixellois-es, sont perdus.
1997 : l’arrivée de Lidl
Le risque de chancre était réel. Heureusement, dès 1994, le groupe de grande distribution Lidl montre son intérêt pour le site. L’usine est en partie rasée pour faire place aux 600 m² du supermarché ainsi que 7 maisons de la rue Gray pour y implanter le parking. Les habitants des maisons expropriées furent relogés par Lidl et contact fut pris avec la mission locale d’Ixelles pour proposer les emplois du futur magasin à des demandeurs d’emploi de la commune.
photo : le 82 rue du Vivier
Quant à l’implantation de la rue du Vivier, elle est aujourd’hui occupée par le CIRE, une coordination de plus de 30 associations actives dans la défense des demandeur-deuses d’asile..
Sources : Le Soir, 1994, Le Soir, 1996, site de Philipp Morris , tourisme Vresse-sur-Semois
Histoires d'Ixelles 
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